De la poésie

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie !

 

 

La poésie, selon moi,

C'est sublimer le présent. 

C'est un acte salvateur qui nous permet d'attendre demain.

C'est glisser dans un écrin, celui des mots, le changement incessant du monde.

C'est conter sans jugement le beau et le laid.

Et c'est mettre à nu une part de notre humanité.

 

J'écris depuis longtemps. Ci-dessous, vous trouverez quelques poèmes de ma plume.

 

 

Je trie

 

Je trie les grains

Qui ne germeront plus

Entre mes mains

Je passe en revue

 

Ceux qui donneront

Des fleurs et des fruits

De ceux dont

L’intérieur est déjà pourri

 

C’est un travail fastidieux

D’exercer son œil

À séparer les grains creux

De ceux qui contiennent des merveilles

 

L’illusion peut être parfaite

Parfois même

Je me sens prête

À semer ce qui est blême

 

Quand notre cœur s’emmêle

Trop souvent on n’oublie

De faire la part belle

A ce qu’on a appris

 

 

Demain

 

Tu es le soleil

Dont la nuit

N’a pas encore accouché

Que l’aube promet

Du bout de son horizon

Drainant nos rêves

D’une subtile rosée

Telle une promesse

D’un éternel baiser

Le noir qui te précède

Pourtant paresse

Dans tes contours

De toute beauté

Tu es

Ce qui est attendu

Quand rien n’a commencé

La graine de nos destins

Qui germe en secret

Tu viens à petits pas

Tu te fais désirer

Quand du dessous de mes draps

Je te sens m’appeler

Tu m’enlèves à la nuit

Je cède à ta clarté

Et sitôt je te vois

Que tu t’évapores

Fuyant cette proximité

Alors lasse de t’attendre

Il ne me reste, demain

Que le présent

Pour mieux t’aimer

 

 

Grand-mère

 

A toi la femme plaisir

Flamme iconoclaste

Archétype multicolore

De mon passé

De ses trésors

Toi qui a brûlé la vie

Par les deux bouts

Qui a préféré danser

Et mettre les hommes à genoux

Tout imbibée de joie et d’alcool

Se sont écoulées tes années

Tu t’es affranchie des conventions sociales de ton époque

Des contraintes et des normes

Pinup déchue mais jamais soumise

Le son de ton tambour

Faisait hurler les loups

Et tes hanches généreuses

Insufflaient tant d’énergie

Femme fantasque

Incandescente

Quel héritage as-tu légué

Des dettes d’une vie flambée

Et un somptueux voyage

Vers la femme qu’enfin je suis

Toi qui empoignais le monde

D’une fougue rare

Jusqu’à la maladie

Jusqu’à ton ciel assombri

Même dans les tourments

Tu demeurais reine

Tu piétinais la bienséance

Pour que l’esprit puisse voyager

Au-delà des frontières

Et par-delà tes folies

Je devinais

Un éventail d’humanité

Auprès de toi

Ils venaient chercher le réconfort

Des nuits blanches

Et des verres que l’on remplit

Femme qui choisit et qui s’assume

Femme sorcière, femme de lunes

Ton enfant est mon père

Et de cette lignée

Je te rends

À mes yeux de petite fille

Qui n’ont jamais cessé

De te rendre hommage

J’aurais tant aimé

Femme rebelle et contestée

Te connaître davantage

 

 

Par amour

 

Et si tu me tuais un jour

Par amour, par amour,

Mon amour,

Et si tu me tuais un jour,

Fais le pour toujours

 

Sans laisser de trace

Pas de baiser, pas de paperasse,

Epargnons-nous les déchirures

Sachons chuter sans reliure

Avec beaucoup de haine

Des coups à nos je t’aime

N’oublie pas d’entacher nos souvenirs

Nos meilleurs deviendront les pires

 

Et si tu me tuais un jour

Par amour, par amour,

Mon amour,

Et si tu me tuais un jour,

Fais le pour toujours

 

Ne crois pas, ne crois plus

Ce qui a été, fut

Et maintenant place à l’enfer

Haïssons-nous sans trop en faire

Créons l’irrémédiable

Changeons nos anges en diables

Le venin agira vite

On s’est aimé comme on se quitte

 

 

Déclaration d’amour à moi-même

 

C’est une déclaration

D’amour

A moi-même

C’est la lettre qui n’est jamais arrivée

Les mots jamais entendus

Les gestes manqués

C’est la reconquête que j’attendais

Le courage qui ne fuit pas

Je m’offre

Les murmures retenus

La folie contenue

Les décisions pour aller de l’avant

Je me couvre

De mes mots

De ceux que j’ai trop offerts

Sans jamais penser

Me les retourner

Je me renvoie

Cette amour sans concession

Entier

Vivant

Qui s’est trop perdu

Dans le néant

De ceux qui n’osent pas oser

Je me déclare

Ma flamme

A la femme

Que je suis enfin devenue

Je complimente

Chaque partie de mon corps

Maltraitée

Malaimée

Décriée

Je dépose ce regard

Amoureux

Bienveillant

Tant désiré

Je tiens ma propre main

Et si je tombe

Je tombe avec moi

Je reste à mes côtés

Et dans cette énergie

Qui me colle à la peau

Je soufflerai le vent nouveau

Pour me relever

Je vais m’aimer

Enfin

A perdre haleine

Et tout recommencer

Croire encore

Chercher toujours

M’encourager à ne pas laisser

Le temps

Les autres

Distiller le doute

Me trouver belle

Courageuse

Fragile à mes heures perdues

Drôle

Emouvante

Trébuchante

Fonceuse

M’inonder de mots d’amour

Me réchauffer

A ma propre chaleur

C’est une déclaration

D’amour

Des mots semés

A la portée

De chacun.e d’entre nous

 

 

 

La fête

 

C’est le tanin

Qui reste sur nos lèvres

Et demain

Qui côtoie nos rêves

 

Quand la fête bat son plein

Retiens-moi encore

Retiens-moi plus loin

 

C’est ton rire

Qui cogne dans ma tête

Ce sont les heures

Que plus rien n’arrête

 

C’est la basse

Au creux de mes reins

Tout n’est plus qu’une onde

Tu le sais bien

 

Quand la fête bat son plein

Retiens-moi encore

Retiens-moi plus loin

 

Toutes ces voix

Qui montent et s’embrassent

Une minute, le temps détale

Et minuit passe

 

 

La rage

 

Quand la plume entre les mains

Est lourde et assassine

A travers des mots de fiels

Qui songent à brûler les exils

C’est comme tout le désert

Qui rage après la pluie

C’est une errance sans fin

Sur des mots en enfilade

Dont le sens ne serait qu’un cri

Des mirages à l’image du déni

Des illusions qui habillent des vérités

La plume n’est jamais hésitante

Quand on s’en sert comme une gifle

Ce sont des phrases sans fond

Et remplies pourtant

D’un débit assourdissant

Un fracas immature de colère

C’est la tempête qui emporte

Le beau et le bon

Le sensé et la raison

Et à la fin

C’est la page blanche qui rêve

De ne plus être noircie

 

 

Sorcière

 

Et je nais

Puissante et fragile

Des cendres

Je suis le fil

Sa fille

Tisseuse

Conteuse

De la bonne aventure

Je ne renonce pas

Je me relève

Des mauvais coups

Des mauvais sorts

Et si la mauvaise fortune

M’invite à courber l’échine

Quelle infortune

Car en moi

Je plonge

Mes racines

Je me connecte

A celles de mes ancêtres

Je cède

A l’enchantement

Ce qui me reste

De poésie

Mes mains comme des boussoles

Mes mots métamorphosent

Le présent, son au-delà

L’intuition comme un trésor

L’empathie pour réconfort

La sensibilité

Tel un rempart à l’inertie

Et si parfois mes pieds frappent le sol

Dans une transe folle

Folle

C’est que je vis

Entends-moi bien

C’est que je vis

Ici

 

 

Le temps qui passe

 

J’aime l’idée de vieillir. Ces cheveux blancs qui ne tarderont à devenir l’écrin flamboyant des souvenirs.

J’aime l’idée de ralentir, de n’avoir plus rien à prouver.

J’aime qui je suis et celle qui va se déployer. J’aime ma finitude, l’impermanence des choses et le baiser du temps sur mon corps.

J’aime m’asseoir plus souvent car j’ai appris à mieux observer. L’impatience d’avant à fait place à davantage de contemplation.

J’aime les années à venir, le déclin de la vitesse et le retour au souffle plus fréquent.

J’aime cette transition où l’on passe de l’exaltation à l’équilibre. Où l’ancrage est plus profond et se meut en racine jusqu’au tréfond de notre être, peu importe si le sol n’est pas stable, l’âme se fixe enfin sur l’essentiel.

J’aime la perspective de cette liberté nouvelle, de m’affranchir des attentes et d’être non pas une femme mais la femme que je désire être.

Et si j’ai froid plus vite, j’aime l’idée que c’est le temps qui m’invite à me dévêtir des préjugés et des illusions.

J’aime le temps que je n’aurai plu et celui qui est déjà passé.

J’aime tous ces possibles que j’ai choisi de ne pas embrasser.

J’aime les portes qui ne s’ouvriront plus.

J’aime celles que j’ai renoncé d’être car elles permettent de vivre aujourd’hui.

J’aime les doutes qui s’estompent ou ceux que je cultive encore.

J’aime cet âge où l’expérience peut devenir un partage, où l’on commence à transmettre.

J’aime quand mon corps ne suit plus et m’invite à me suivre pleinement.

Et j’aime surtout l’idée de vieillir à tes cotés. Goûter avec toi au temps qui passe, le regarder filer. Chaque jour savourer ce qui ne sera plus et qui a été vécu ensemble. L’honorer dans chaque instant en célébrant le présent avec celles et ceux qu’on aime.

J’aime l’idée de vieillir, et si ça ne vient pas tout de suite, j’y veillerai. 

 

 

Il répare

 

Il répare.

De la suie dans les mains.

Il répare, encore et encore.

Du bout des doigts, son passé.

De la mécanique, seulement.

Des entailles, des plaies et des écorchures.

Rien que ça, demande-t-elle ?

Rien que ça, insiste-t-elle ?

Il continue sans lever la tête.

La suie ne s’en ira pas.

Il n’y arrivera pas.

Elle le regarde, déçue.

Elle soupire en jetant son regard au loin.

Au loin mais tout près de lui.

Un regard qui fuit et qui demeure pourtant.

Partir sans bouger.

Combien de temps leur reste-t-il ?

Il ne va pas y arriver.

Elle le sait maintenant.

Elle a un peu pitié.

Toute cette suie, pour rien.

Il va pleurer, peut-être.

Est-ce ça qui la retient ?

Est-ce ça ou des reliquats d’amour ?

Son regard ne revient pas, il la précède.

Elle est partie.

Il répare mais ne sait plus quoi exactement.

Il répare et il n’a même pas vu qu’elle n’était plus là.

 

 

Jardin des songes

 

On y pénètre les yeux fermés

Immobiles et allongés

Le crépuscule côtoie l’aube

Le temps s’écoule

En-dehors du sablier

Peuplé de fantasmes

Et de cauchemars

Nous y sommes rois et reines

Nous y sommes beaux et laids

Ce monde est à nos pieds

Et aussitôt il s’écroule

Pour se recomposer

Les arbres qui y vivent

Ont des racines de géants

Qui plongent dans le passé

L’enchantement prend le dessus

La raison se tait en-dessous

Et nous nous perdons

Sans pour autant chercher

Comme hypnotisés

Par nos propres inventions

Par notre obscurité

Fascinés

Par tant d’ingéniosité

Contenue en éveil

Par les frontières de la cohérence

Et qui s’étiole enfin

Dans la tirade de la nuit

Dans une habile errance

Où se meuvent

Nos peurs, nos peines

Et nos envies

Aux bordures de nos songes

Il existe un jardin

Où nous sommes les seuls invités

Dont trop souvent

Au moindre réveil

Nous oublions l’accès